" La France était grise. Ailleurs, le soleil brillait. Ailleurs, l'on rêvait en Technicolor. La bande son, le beat, venu de Californie, allait se répandre dans le monde. Et l'on dansait dans les parcs, jusqu'au bout de l'extase, à quelques mètres des aplis du Grateful Dead, de Country Joe, du Jefferson Airplane. Le rock était comme le reste, psychédélique. Davantage qu'une musique : le rythme d'une révolution en marche. Une révolution tendre et sensuelle, amoureuse et fraternelle.
Un beau jour de juillet 1966, je me suis donc embarqué vers la terre promise, avec pour tout bagage un boîtier reflex et trois objectifs, bien décidé à réaliser des portraits de musiciens. Un autre univers s'est alors imposé. Celui d'une Amérique en pleine ébullition. La couleur explosait, dans les vêtements, les chevelures, les idées. A chaque instant, il fallait tout embrasser d'un regard neuf, se mettre au diapason d'un monde en mouvement, se laisser emporter par la vibration."
Alain Dister, extrait de Couleurs Sixties, éditions du collectionneur, 2006