MC5, Fred Sonic, Buffalo, February 1969

“ Les Halles ont disparu. Le vent glacé balaie le trottoir de la Bistouille. La dame aux lévriers russes est partie très loin. Gong est devenu anglais. Les groupes sont morcelés et l’âge appelle d’autres urgences. Les Halles, c’était mon Haight Ashbury, mon Fillmore et mon East Village. Ils me les ont prises aussi. Les dernières silhouettes que j’y ai rencontrées, juste comme les poutrelles de fer commençaient à tomber, c’était celles de Lou de la Hog Farm, et de Chet Helms, le fondateur de l’Avalon Ballroom. Les légendes ont la vie dure.

Et merde, vive la punkitude !

J’ai vécu certaines de ces périodes comme des contradictions déchirantes, comme celle du MC 5 : insatisfaction avec le hard rock et ses limites musicales, mais bourrage d’énergie brute, indispensable à la survie. Parfois, je fus incapable d’agir – comme journaliste ou photographe –, mais c’était pour vivre plus intensément ce que je voyais, dans un engagement plus profond. J’ai eu l’impression de vivre tous les rêves, toutes les illusions d’une époque, surtout chez la Hog Farm. Mais c’était mieux en jauger la consistance, essayer d’en extraire l’ultime réalité. D’où un sentiment de vide total en quittant l’Amérique, à bord d’un bateau à destination du Pôle Nord et de l’URSS. Mais ça, c’est une autre histoire...

J’ai voulu n’être (naître ?) qu’un témoin concerné, vivre comme les gens sur lesquels j’écrivais, faire partie de mes photos, exister au bout de ma plume et de mes caméras. Il me reste à apprendre à respirer, à comprendre le sens de la vie, les cycles du cosmos et toutes cette sorte de choses. Il est un temps de recharger les batteries de mon vaisseau spatial... ”

Rock & Folk, février 1977

Alain Dister in Rock Critic, Le Castor astral, 2007

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